RAMADAN MUBARAK !

Focus au pays de l'amande berbère, le Maroc

Par Laurence Thual, 07 mars 2024

Ce week-end, les musulmans s’apprêtent à démarrer le jeûne du Ramadan, l’un des 5 piliers de l’Islam. Projecteur ce mois-ci sur le Maroc. Dans ce marché où les produits solaires représentent entre 30 à 40% du marché, quels sont les enjeux pour la cosmétique Cocorico ?

En 2021, ils étaient plus de 51000 français à vivre au Maroc. Un coût de la vie moins élevé, une politique fiscale attractive, et le soleil. Je dois reconnaître qu’à l’atterrissage à Casablanca où la température avoisinait les 20 degrés alors que j’étais parti de Lyon avec un petit 3 degré  fait du bien. De la douceur et souvent le soleil est au rendez-vous à seulement 3h de vol. 

Dans le milieu de la cosmétique, le Maghreb est souvent synonyme de solaires. C’est certainement l’endroit dans le monde où les volumes de vente de produits solaires surpassent les autres catégories de produits : entre 30 à 40% du marché. La première explication donnée repose sur l’utilisation de ces produits toute l’année. La seconde sur le rôle de la blouse blanche : la première cause de visite chez le dermatologue concerne les tâches, et la crème solaire est automatiquement prescrite sur chaque ordonnance. Durant des années les dermatologues s’étaient rendus indispensables en stratégie de sell-out, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. L’OREAL l’a bien compris et sort de plus en plus de la prescription médicale. Cette stratégie est lourde d’investissements. Je me souviens dans un des pays du golfe mon client m’expliquer qu’il n’arrivait pas à surenchérir : une marque concurrente allait jusqu’à payer une semaine en club Med au dermatologue avec sa femme et ses enfants. Et il n’y avait pas un seul dermatologue à inviter. 

Le marché marocain comprend environ 10 marques de solaires environ qui détiennent la majorité des parts de marché et elles possèdent environ une douzaine de références. Sans parler des gadgets, cadeaux et offres promotionnelles mises en place pour attirer un consommateur qui est loin, très loin d’être fidèle à une marque. Une véritable « guerre du solaire » où 47% des femmes font des recherches sur internet avant d’acheter, Yuka est une référence ! Et 54% préfèrent faire confiance à la notoriété d’une marque plutôt que le prix. Pas étonnant alors de constater que 60% des ventes de cosmétiques sont effectuées par l’OREAL.

Désormais ce sont les influenceuses qui donnent le « LA ». On m’explique qu’elles « empoisonnent le paysage de la cosmétique au Maroc » me justifiant ces propos par le fait qu’une marocaine sur deux serait influenceuse. Les distributeurs semblent dépassés par ce phénomène et comprennent difficilement des Posts générant plus de 5 millions de vues. Nous devons nous adapter aux changements d’habitude de consommation et composer avec. Lorsque j’ai effectué mes premiers rendez-vous avec de potentiels partenaires en Thaïlande, j’avais été surprise en découvrant les salaires des influenceuses et la place qu’elles occupaient sur ce marché. J’avais en face de moi des distributeurs qui subissait la pression et exigences de ces dernières. Certains m’ont fait beaucoup de peine et je les comprends, j’en suis même arrivée à me dire que je gagnerais mieux ma vie en étant influenceuse ! 

J’interroge les sociétés marocaines sur ce qui pourrait être amélioré dans nos relations business. On me confie que beaucoup de français croisés pensent qu’il savent tout et mieux que tout le monde. Les sociétés marocaines ne ressentent pas la notion de partenariat, on m’avance des investissements minimums et l’impression qu’ils ont parfois qu’on leur « refourgue de la marchandise ». J’en ai malheureusement été témoin. Ce qui est dommage ! Quand on a l’occasion d’échanger avec les marocaines , on se rend compte qu’on a énormément de points communs !

On échange sur la cosmétique solide qui se développe de plus en plus en France, on me confie avoir essayé mais que cela ne fonctionne pas. Même si Yuka est une application fortement consultée, je rappelle ce que j’ai mentionné dans un article précédent : le monde veut du Chanel BIO ! En d’autres termes le beurre et l’argent du beurre ! Il faudra donc trouver d’autres moyens de séduire le monde et les convertir aux notions d’environnement et d’écologie.

J’interroge sur les nombreux articles que j’ai lu sur des marques de cosmétiques marocains Themoroccans, Tiyya, Jerraflore, Botanika Marrakech, Alania ou encore celle qui est la plus connue dans l’hexagone : les sens de Marrakech. Ces marques aux actifs marocains fonctionnent principalement à l’export mais peu localement. On souhaite davantage me mettre en lumière les marques de dermo-cosmétiques « locales » qui trichent en créant une boîte postale en France pour indiquer sur leurs emballages que c’est une marque Made In France. Car c’est un fait : la consommatrice et le médecin conserve à ce jour une image de qualité et de sécurité envers les marques françaises. Pour certains, la France est encore sur une vague de notoriété mais qui commence à s’essoufler. Dans une dizaine d’années, il faudra faire évoluer les business modèles. Pour me convaincre de ces propos fatalistes…alors que je suis une profonde optimiste, on me raconte ce que font d’autres pays européens.

Le gouvernement polonais a mis en place au Maroc un attaché consulaire qui a la mission de contacter l’intégralité des acteurs en importation-distribution en cosmétique du Royaume. Il les met en relation avec des marques polonaises et cela ne s’arrête pas là, il va jusqu’à payer le billet d’avion et l’hébergement aux distributeurs marocains pour se rendre en Pologne visiter les laboratoires ! On me rapporte que l’humilité dont font preuve les polonais les séduits…Et quand je découvre que cela fait déjà 4 ans que des stratégies comme cette dernière se mettent en place, je me dis qu’on passe à côté d’opportunité en France. L’échange finit par m’achever quand on me rappelle gentiment l’épisode de notre politique française qui a bloqué les visas en 2019, y compris pour les entreprises. Un épisode qui a fortement affecté les marocains, notamment dans le business. 

On termine les échanges sur les intérêts aujourd’hui des distributeurs : le bucco-dentaire et le capillaire ! 

Un oeil sur les relations d'affaires à l'international

PLACE AU DRAGON DE BOIS !

Par Laurence Thual I 21 janvier 2024

Le 9 février prochain la Chine débutera une nouvelle année sous le signe du dragon de bois. J’ai commencé à travailler avec ce pays en 2017, ne laissant jamais plus de trois mois entre mes visites. La dernière fois c’était en avril 2023. Ses frontières s’étaient ouvertes trois mois auparavant. A Pékin et à Shanghai, nous avons abordé avec mes interlocuteurs la sortie de crise liée au Covid-19 et les conséquences sur leur quotidien. 
Affranchie de mon étiquette de responsable export pour une marque, j’ai eu envie d’échanger avec eux sur l’année à venir qui semble être attendue surtout par l’industrie des bébés ! Comment la perçoivent-ils ? Quels défis et changements dans le secteur de la cosmétique ? Et un sujet qui me tient à cœur : les relations d’affaires entre nos deux pays.

Vous avez certainement vu passer des articles mentionnant le pic de natalité qui est annoncé. Vous souvenez vous du dragon que le prince doit affronter pour aller réveiller la Belle au Bois Dormant ? Le dragon en Chine est à l’opposé de la perception maléfique et destructrice de l’occident. Les personnes nées sous le signe du dragon sont connues pour avoir une grande confiance en soi, du pouvoir, de la chance, de l’ambition, le tout couronné par une grande sagesse. Dans une société où la politique de l’enfant unique régna de nombreuses années, rien d’étonnant à programmer une naissance afin de donner les meilleurs chances à sa progéniture.

Depuis 2022, la population chinoise baisse. Fin 2023 il y avait 1,4 milliard de personnes, une baisse de 2 millions par rapport à fin 2022.[1] Tous mes interlocuteurs pointent du doigt le coupable numéro un : le coût de l’éducation. Pas moins de 15 000 euros par an et dès le plus jeune âge. Ils ne sont pas certains que l’année du dragon verra un nombre de naissance important en Chine. Rendez-vous en janvier 2025 ! 

En effet, la crise sanitaire a influencé les chinois. Même s’ils m’expliquent que le taux de croissance est meilleur que prévu, beaucoup de secteurs sont affectés comme l’immobilier. Ils traduisent cela par un manque de confiance dans l’économie et une diminution de la consommation. Ils s’entendent néanmoins sur un retour à la normale, me confiant que les QR Codes et tests PCR que j’ai connus lors de ma dernière visite ne sont plus d’actualité. Les chinois ont eu un avantage non négligeable sur nous durant cette crise : leurs habitudes face au digital. 

Ces dernières années, j’ai remarqué que le consommateur chinois devenait de plus en plus éduqué, sachant parfaitement se renseigner. J’aborde avec eux le sujet du Made In France et leur demande s’ils connaissent le label Origine France. Ils ne le connaissent pas, et on se rejoint sur le constat que j’ai fait sur ces 15 dernières années : le Made In France pesait peut être il y a 20 ans pour 40% d’une négociation, aujourd’hui ce n’est plus le cas, et cela s’est dégradé d’année en année A peine 20% dans la balance d’une négociation. 

Les nouvelles générations Y et Z se tournent vers les marques chinoises qui ont connu un essor considérable. Leurs aînées restent cependant attachés aux marques étrangères. On évoque la marque Perfect Diairy[2], je vous invite à lire l’article paru dans Premium Beauty News qui illustre parfaitement cette réalité : les marques locales prennent une part de marché non négligeable. Ils s’accordent sur le fait que la France possède néanmoins un avantage sur le savoir-faire et plus précisément sur les procédés de fabrication, les technologies innovantes et le mélange des actifs en particulier les actifs végétaux. 

En 15 ans de terrain, et pour avoir vendu aussi bien de la dermocosmétique que du produit naturel ou encore certifié bio, j’ai toujours eu ce doux ressenti que le monde veut du « Chanel BIO », ce qui est bien entendu impossible. C’est comme souhaité le beurre et l’argent du beurre. L’avantage de ces marques chinoises, c’est qu’elles arrivent à donner l’illusion du « Chanel BIO » jouant avec les codes du marketing. 

L’autre frein majeur qu’ils soulignent à l’unanimité relève de la supply chain. On le sait, les chinois dépotent en livraison. On pointe du doigt les délais de fabrication en France et l’absence de prise de risques en matière de stockage. Mes interlocuteurs me confient tout de même s’être « habitués » à cette lourdeur française. Lancer une marque dans un pays c’est long, en moyenne trois années de travail acharné pour se faire une place, sauf si on s’appelle l’Oréal et qu’on a la capacité d’investir des sommes exubérantes en marketing et communication. 

La Chine est un sujet sensible pour beaucoup de sociétés françaises. Il y a celles qui refusent publiquement de ne pas vendre en Chine et les autres. La raison ? Les enregistrements des produits en Chine. En d’autres termes, il faut se mettre complètement « à poil » et transmettre les formules des produits. Mais pas que. Et le problème est là puisqu’on communique également sur les matières premières et procédés de fabrication. Sans parler des fameux tests sur les animaux effectués par les laboratoires en Chine, devant être supprimés depuis quelques années, mais l’écart entre le dire et le faire ne semble pas avoir la même signification partout sur la planète. 

Je n’ai jamais mâché mes mots avec mes interlocuteurs. Vouloir exporter en Chine implique d’accepter les conditions. Si on accepte, il faut dans ce cas transmettre les éléments nécessaires.  

Pour une amoureuse comme moi de l’interculturel, je préfère l’adage qui consiste à aider et trouver des solutions avec un partenaire à l’étranger. Il ne faut pas se voiler la face, ils arriveront à développer d’excellentes formules. Doit-on attendre passivement ou anticiper et créer de nouveaux business models ? Est-ce que l’avenir est à l’envoi de Vrac ? 

Ce point non négligeable sur le savoir-faire rejaillit dans les négociations. Les chinois ont l’impression qu’on ne leur fait pas confiance. Ils me confient ressentir la méfiance des sociétés françaises, on n’en oublierait presque que eux-mêmes subissent une réglementation et des contraintes. La confiance, soulignent-ils est un des deux facteurs clés de succès à leurs yeux dans une négociation franco-chinoise.

Le second c’est la connaissance du marché. Combien de sociétés frappent à leurs portes sans rien savoir des différents modèles ? Méconnaissant les termes de General Trade, de cross border, des règles de fonctionnement des plateformes comme TMALL, le Tiktok, les KOL, la protection de marque et j’en passe ! L’un d’eux me confie avoir orienté certaines sociétés directement vers TMALL pour que ces dernières soient éduquées à la réglementation et qu’elles en apprennent les règles. 

« La Chine est un Eldorado, c’est un pays de volume et de gros chiffres ». J’ai toujours entendu cette phrase. On en rit ensemble car on sait que la réalité est plus subtile. La Chine est certes un des plus grand mais il est également l’un des plus compliqués. 70% des ventes sur ce secteur sont en digital. On évoque ensemble le nombre de références, point parfois bloquant auprès des sociétés. J’explique qu’il est vrai que lorsque l’on négocie avec un importateur distributeur qui a une distribution via des points de vente, le nombre de références a son importance pour avoir une visibilité en linéaire. La Chine, comme beaucoup de business model basés sur le digital, a besoin de sélectionner très peu de produits. Ils doivent souvent désigner un best-seller qui sera plébiscité et vendu par les KOL. Je leur demande le prix moyen actuellement, ils m’annoncent 15 000 euros en moyenne par an, auquel ils ajoutent systématiquement des commissions. 

J’ai reçue une des influenceuses l’année dernière avec mon client. Une véritable princesse ! Avec mon client on se pliait à ses exigences, on lui portait sa valise et devions adapter le planning à son humeur du moment. Non seulement le client va la payer gracieusement mais son voyage l’est aussi : billets d’avion et hébergement. 

La connaissance de la culture passe par le wechat. Il me rappelle que cela a été le premier critère qui leur a démontré que je maîtrisais le marché et ses codes. Il me confie que 1/3 seulement de ses interlocuteurs y sont connectés. Il faut avoir été en Chine pour se rendre compte. Lorsque l’on arrive, plus d’accès à google, gmail, facebook, etc. le wechat est leur outil de communication. Au même titre que les taïwanais et japonais vont utiliser Line et l’Asean le Whatsapp. Vouloir faire des affaires avec une société étrangère, c’est accepter ses codes, sa culture et montrer sa motivation en s’adaptant. 

On termine avec un sujet que j’entends de plus en plus autour de moi : il semblerait que les nouvelles générations ne soient pas attirées vers ce métier de commercial export. Ils n’auraient pas envie de voyager. Je ne suis pas certaine, je pense juste que le métier doit évoluer. En juin 2023, au lounge à Dubaï, j’ai eu une discussion avec un manager allemand qui revenait de Chine. On partageait le même ressenti : les dirigeants n’ont pas conscience de la pénibilité du voyage connu durant la crise sanitaire. L’impression qu’un fossé s’est creusé entre ceux qui voyagent et leur managers. Je suis une inconditionnelle du terrain. De toute façon, occuper la place était l’un de mes avantages concurrentiels. J’ai surtout appris l’importance d’une visite et en particulier des temps OFF. Ces temps que l’on passe au cours d’un déjeuner ou d’un dîner ; où l’on apprend beaucoup de choses sur la personne, sur sa société, les habitudes de consommation. Un temps précieux qui vient consolider un partenariat, d’une valeur inestimable lorsqu’il y a éloignement géographique. Je leur demande où ils positionnent le curseur. Là où j’y accordais 40% d’importance, ils estiment que 20% est suffisant. Nous nous entendons sur le minimum d’une visite annuelle, que je trouve trop faible dans la phase de lancement d’une marque. On ne peut pas être toujours d’accord ! 

Nos échanges tournent vers la polémique du terme « quantique » utilisé par Gerlain. Ce qui nous amène à mettre en avant un dernier point : l’art de la traduction. On ne traduit pas un nom de marque phonétiquement en chinois, on le fait par association de mots, d’images, d’idées et de ressentis. On décide de s’arrêter. Je leur confie qu’on pourrait écrire un nombre incalculables de livres sur « faire des affaires en Chine » mais qu’à peine auraient-ils été édités qu’ils deviendraient obsolètes, car les règles changent en permanence. 

Terminons avec un proverbe chinois à méditer : « Quand le vent du changement souffle, certains construisent des murs, d’autres des moulins à vent. » 

A qui envoyer vos vœux pour le nouvel an chinois ? 

C’est pour cette raison qu’il est important de connaître ses partenaires notamment sur leur confession, religion et croyances. Votre interlocuteur malaisien est-il d’origine chinoise ? Est-il pratiquant musulman ? Les gens voyagent et s’expatrient, il n’y a donc pas la règle reliant un pays à une personne y habitant. 

Le nouvel an chinois est officiellement célébré en Chine continentale, à Taïwan, Hong-Kong, Macao. D’autres pays asiatiques où l’influence de la culture chinoise est importante : Singapour, Malaisie, Philippines, Brunei, Indonésie, Thaïlande. Au Vietnam, il porte un autre nom, c’est la fête du Têt et en Corée c’est la fête de Seollal.

Et si vous vous rendez à Singapour en décembre prochain, vous constaterez la démesure en décorations de Noël, dans un pays où les origines ethniques sont chinoises, indiennes et malais ! 


 

[1] Bureau national des statistiques BNS

[2] *Article Premium Beauty News Perfect Diary, la licorne chinoise aux ambitions mondiales - Premium Beauty News

 

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